Il y a exactement dix ans, je vivais les derniers jours de ma carrière d’enseignant – maître de philosophie et psychologie dans un gymnase vaudois («gymnase» est un germanisme qui désigne un établissement secondaire supérieur, ce qu’on appelle ailleurs un lycée, avec des étudiants de 15-16 à 18-19 ans). «Il est temps pour moi de faire autre chose», avais-je écrit à mon directeur pour lui annoncer ma démission. Je quittais une vie de sécurité: un métier que je connaissais bien, que je pratiquais, je crois, plutôt bien, et dont l’essentiel – être en classe avec des jeunes, et leur transmettre des choses qui me paraissaient, et me paraissent toujours, importantes, qui m’avaient enthousiasmé quand je les avais découvertes, à leur âge; un salaire confortable; une retraite assurée. Mais je voulais vivre autre chose. Ou peut-être avais-je besoin de faire, pour une fois, quelque chose de très déraisonnable dans ma vie?

Cette nouvelle vie a commencé par une année sabbatique, qui m’a emmené au Portugal et en Corse, puis dans un long voyage, proprement initiatique, au Pérou, et enfin dans un vieux chalet, généreusement mis à disposition par des amis, dans les montagnes suisses. J’ai consigné les traces de cette expérience dans un blog. Et j’en ai tiré, en y ajoutant des fragments de mes carnets, un petit livre, que j’ai intitulé Ligne de fuite. (Ce livre est toujours disponible, au prix de 10 CHF + frais d’envoi, sur simple demande par mail, avec votre nom et adresse, ou à l’excellente librairie Ex Nihilo, à Lausanne)

L’extrait qui figure en quatrième de couverture annonce ce qui était, et est encore, le programme:

Aujourd’hui, c’est un peu comme si je larguais les amarres. Doucement sortir du port. Ce sont des images que j’ai beaucoup utilisées, ailleurs. Mais alors qu’elles disaient le désir, voire le fantasme, je veux voir maintenant si elles auront aussi la consistance d’une réalité. Il n’y a pour ces prochains mois aucune «contrainte» – que le désir de donner à mon existence toute l’ampleur et la splendeur possibles. La direction pourrait se dire: “apprendre à me tenir là où il n’y a rien qui tient”. Le cycle précédent – la première partie de ma vie, donc – était dominée par la crainte et le besoin de sécurité. Et donc aussi le sérieux. Pourtant, il y avait toujours, au fond, une part d’insouciance qui aurait volontiers été joueuse. C’est ce monde-là que je veux désormais aller explorer. Me rendre disponible pour cela, en laissant tomber tout le reste. Et, maintenant puis ensuite, habiter cette disponibilité – l’espace des possibles, là où rien ne tient.

Où alors, peut-être, là où ça tient vraiment? Ou ce à quoi je tiens?

J’ai continué à travailler avec les jeunes, en créant, sous le nom de «La matu en liberté», un accompagnement pour des étudiants qui ne trouvaient pas leur place dans le système de l’école et qui étaient prêts à poursuivre leur formation en autodidacte – tout en apprenant, eux aussi, l’autonomie, en cultivant les richesses de leur singularité.

Et je savais que je voulais «faire de l’hypnose», que j’avais découverte quelques années auparavant – une découverte aussi marquante que celle de la philosophie, quand j’étais adolescent. Je me suis donc formé, puis j’ai ouvert un cabinet. Et je continue, avec le même intérêt, la même curiosité, et le même plaisir à accompagner les personnes qui viennent me voir dans les espaces toujours singuliers, et pourtant si familiers, de la transe.

Et c’est avec toute la confiance nourrie de mon expérience propre d’une telle aventure que je peux proposer mes services de «guide», dans ces espaces de changement, pour donner à son existence «toute l’ampleur et la splendeur possibles».