Aujourd’hui, au cabinet, une personne qui vient pour la deuxième fois. Elle était repartie, la première fois, avec un sentiment de profonde détente, mais aussi avec ces mots dubitatifs : «il n’y avait rien de transcendant». Elle commence cette deuxième séance en me disant que ça va mieux, qu’elle constate un changement. Pour s’empresser d’ajouter : «mais je me demande si c’est la séance qui a produit ça». Question récurrente chez les sujets qui, comme cette personne, reconnaissent l’effectivité d’un changement après une séance où, pourtant, il ne s’est rien passé – du moins rien que leur esprit conscient, qui voudrait comprendre, puisse appréhender.
Puis cette même personne continue en me racontant que, tout de même très intriguée, elle a entrepris quelques recherches sur l’hypnose. Et elle a vu notamment qu’on estimait habituellement qu’il fallait commencer par définir un objectif. «Mais vous, vous n’avez pas fait ça. Vous pouvez m’expliquer ? Vous considérez que l’inconscient fait de lui-même ce qu’il y a à faire ?».
En quelque sorte… Et il y aurait de multiples manières d’y revenir.
Ce que je n’ai pas expliqué à cette personne – parce que c’est inutile d’expliquer, dans la séance, puisque ce qui agit n’est pas ce que l’esprit conscient de la personne pourrait comprendre – c’est que définir un objectif, et des moyens pour l’atteindre, c’est encore accorder la prééminence à la pensée, à la volonté et au faire. Or précisément, si l’hypnose a un effet, c’est justement parce qu’elle nous libère de cette prééminence pour nous ramener au sentir, sans vouloir ni faire, à notre simple «animalité». Et c’est en ne faisant rien que «ça se fait». Mais quoi, exactement ? On pourrait dire qu’en nous laissant nous disposer comme pure existence, comme un corps, voire comme une chose, l’hypnose nous reconnecte au flux de la vie. Et la confiance en ceci suffit largement, sans avoir à se soucier d’objectifs, de moyens, ni même de résultats.
Nous avons plutôt parlé de l’importance bien excessive, voire exclusive, que nous accordons au «mode contrôle» de notre esprit, à l’«esprit conscient», à l’«intellect», à cette part de nous qui pense qu’il lui revient de toujours maîtriser, comprendre, prévoir, planifier, etc. – et que c’est indispensable. Et mon interlocuteur reconnaissait bien volontiers que c’était quelque chose comme cela qui l’encombrait dans sa vie. Alors nous avons évoqué, de différentes manières, la possibilité de laisser en quelque sorte couler en soi la puissance et la sagesse de la vie. Sans rien faire.
J’ai raconté le mille-pattes dont parle Erickson, qui, lorsqu’il commence à se demander comment il fait pour réussir à marcher, avec toutes ses pattes, et qu’il commence à vouloir s’y appliquer – n’y arrive plus. Alors que c’était si simple sans y penser…
Et puis j’ai accompagné la personne qui était là, dans le fauteuil, et qui commençait déjà à partir, dans un voyage à l’intérieur, où elle pourrait expérimenter le simple sentiment «je suis, j’existe»…
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