L’autre jour, au cabinet.
Hélène avait pris rendez-vous pour arrêter de fumer. On s’est déjà vus une fois, pour une séance qui avait conduit à ouvrir un peu la porte de toutes les émotions impliquées, et que le tabac, disait-elle, l’aidait à gérer.
Dans le temps entre ces deux séances, ce travail avec les émotions s’est poursuivi – la séance ne s’arrête évidemment pas en sortant du cabinet (de même qu’elle commence bien avant d’y entrer…). Hélène avait notamment mis à profit une journée de formation en coaching pour poursuivre l’exploration de ce monde qu’elle (re)découvrait. Et avait appris bien des choses.
Elle me raconte un épisode au travail, un entretien avec une collaboratrice, qui était revenue la voir un peu après pour lui demander pourquoi elle était en colère, fâchée contre elle. Hélène était surprise: elle n’avait rien à reprocher à cette collaboratrice, n’éprouvait aucune animosité. Mais elle reconnaît aussi qu’elle était sans doute un peu «agitée» durant cet entretien. Une fois son interlocutrice rassurée, elle s’intéresse un peu plus à cette émotion, et découvre… de la peur: elle s’avoue qu’elle est inquiète, parce que le projet sur lequel elle travaille avec sa collaboratrice comporte de gros enjeux. Elle ne s’éprouvait pas comme ça, jusque-là, elle connaissait sa colère, sa tristesse, mais ignorait qu’elle éprouvait aussi de la peur – découverte qu’elle met en rapport avec ce qu’elle avait pu ouvrir en elle en partant des émotions liées à la cigarette. Elle reconnaît que ce que sa collaboratrice avait interprété comme de la colère était en fait l’expression de cette peur qu’elle éprouvait sans le savoir.
Et à ce moment-là, quelque chose change radicalement. A son propre étonnement, cette peur dont elle n’avait plus peur se transforme d’elle-même, sans rien faire, en un sentiment de confiance, qui dit, à l’intérieur, quelque chose comme: «En fait, ça va aller!». Soulagement immédiat, tranquillité.
Comment comprendre? C’est en fait le contraire de «gérer» l’émotion, comme si celle-ci devait être soumise à la règle de la conscience, de la raison, de la volonté. Il y a d’une part, ici, le fait que l’émotion est reconnue, entendue – et il m’arrive régulièrement, pendant une séance, de suggérer que «quand ce qui a besoin d’être dit peut être dit, quand ce qui a besoin d’être écouté peut être écouté, ça fait une énorme différence». Pas besoin de discuter, ni même de comprendre, comme l’esprit conscient veut toujours faire – juste écouter. Et il y a d’autre part (mais c’est aussi la même chose) le fait que cette émotion, ou plus exactement la partie de la personne qui s’exprime dans cette émotion, au lieu d’être séparée, tenue à l’écart, est réintégrée dans l’entier du contexte de la vie, est reprise dans le flux de la vie de la personne, soutenue, entourée, par toutes les ressources de cette personne – celles qu’elle connaît et celles qu’elle ne connaît pas, mais sur lesquelles néanmoins elle s’appuie, avec confiance.
Rien à gérer – ne rien faire, laisser faire.
Et ça va aller.
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