Wu Wei
Lao Zi
La vie est une succession de changements naturels. Ne résistez pas car cela ne générera que des soucis. Laissez la réalité être la réalité. Laissez faire naturellement les choses.
Il y a quelque temps, je recevais T., une jeune femme aux prises avec une difficulté presque banale, mais pour elle (et sans doute bien d’autres), insurmontable: elle n’arrivait pas à accepter la petite fille de son compagnon, bien que celle-ci ne passât que quelques rares jours par mois chez eux. Elle avait le sentiment que tout le poids de cette situation lui incombait exclusivement, et injustement: «c’est moi le problème», «ce n’est qu’à moi de m’adapter». Ceci ne pouvait que l’enfermer dans une énorme résistance à changer quoi que ce soit. Dans une telle situation, on pourrait être tenté de raisonner, d’expliquer, de faire comprendre à l’aide d’arguments, ou, pire peut-être, de donner des conseils. Ainsi, T. m’avait raconté qu’une psychothérapeute qu’elle voyait aussi, lui avait dit qu’elle était «égoïste». Cette tentative de faire céder sa résistance en y opposant un jugement moral avait, sans surprise, eu l’effet inverse de renforcer ses défenses et de la fermer et la figer encore plus.

L’hypnothérapie d’inspiration ericksonienne, comme je la pratique, emprunte un tout autre chemin. Au lieu de chercher à surmonter la résistance, je l’accueille, je vais en quelque sorte «avec elle». Je ne vois pas la résistance, les blocages, comme un obstacle à vaincre, mais comme l’indice d’un chemin à suivre, qui permet d’avancer, et de changer, d’une façon naturelle, en respectant la position de la personne. En me servant de méthodes indirectes (métaphores, recadrages, …), je vais travailler avec le monde de la personne, plutôt que contre lui. En conséquence, la personne se sent comprise plutôt que confrontée, voire jugée, la résistance peut se transformer en coopération, et le changement devient possible sans conflit.
Avec T., il n’a pas été très difficile de recadrer sa perception de la situation d’une façon qui permettait le changement. En acceptant sans restriction son sentiment d’avoir à en porter seule tout le fardeau, il devenait possible, dans une simple conversation, de lui faire voir qu’elle détenait en fait, dans cette même position, qui n’était pas une position de victime mais une position de force, la possibilité de changer elle-même la situation. En accueillant complètement la plainte initiale, qui s’énonçait à peu près comme «tout ne dépend que de moi», l’impuissance pouvait être renversée en «pouvoir personnel»: «Tout dépend de moi!». La transe, avec la liberté créative qu’elle ouvre, a permis ensuite à T. d’explorer ces possibles nouveaux, d’avancer dans le futur sur ce qu’elle visualisait comme un chemin ensoleillé, pour recevoir un cadeau de «T. du futur».
Souriante, elle termine la séance en déclarant: «C’était rassurant».
[Illustration: Asger Jorn; photo: Guido Albertelli]
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