Un aperçu de ce qui peut se passer lors d’une séance.

Il y a quelques jours, je recevais une jeune femme, N., au cabinet. Elle me raconte son histoire avec beaucoup d’émotion, des larmes. Elle se plaint d’angoisses, elle a peur des autres, «je crains toujours qu’ils vont me faire du mal». Elle voudrait retrouver de la confiance.

Elle m’avoue aussi ses appréhensions par rapport à l’hypnose : et si ça faisait revenir des choses trop difficiles ? «Vous soupçonnez qu’il y en a ?». Non…

Je la rassure en quelques phrases : c’est son «esprit inconscient» qui va faire tout le travail, et il le fera comme tout ce qu’il fait – la respiration, par exemple, ou marcher sans avoir à y réfléchir, même conduire sa voiture alors que les pensées sont ailleurs – de sorte à permettre de vivre une «bonne vie». Puis je lui propose plutôt une expérience, pour essayer. Elle accepte.

Je l’invite à appuyer son coude sur l’accoudoir du fauteuil, l’avant-bras vertical, et la main comme flottante. Je lui parle de tous ces signes involontaires par lesquels nous communiquons sans avoir à y réfléchir – comme ces petits hochements de tête qu’elle fait en écoutant, pour me signifier qu’elle comprend, qu’elle est d’accord. Et je lui explique que la part d’elle-même, sage et puissante, qui sait tant de choses qu’elle-même ne sait même pas qu’elle sait, qu’on peut appeler, par commodité, «esprit inconscient», va pouvoir se manifester et communiquer par de petits mouvements de ses doigts ou de sa main. «Vous pouvez simplement garder les yeux ouverts, regarder votre main, et ne prêter attention à rien d’autre qu’aux sensations dans cette main – chaleur ou fraîcheur, poids ou légèreté, picotements, ou pas.» 

Il faudra de longues minutes, pendant lesquelles il ne se passe apparemment rien. Ses yeux se ferment, elle plonge dans une transe de plus en plus profonde, que j’accompagne de quelques phrases entrecoupées de longs silences. J’invite alors son «esprit inconscient», s’il est d’accord, et en prenant tout le temps qu’il lui faut, à tourner cette main vers le visage de N.. Lentement, la main commence à pivoter, de telle sorte que pour finir c’est comme si les doigts regardaient N., qui a toujours les yeux fermés. 

J’invite alors N. à ouvrir les yeux, tout en restant profondément en transe. Elle est manifestement surprise de découvrir sa main qui la regarde (elle me dira qu’elle n’a eu aucune conscience du mouvement) – et elle rit, en transe. Je lui propose alors de prendre tout le temps pour cette rencontre, si intime, entre elle et elle-même. Quant à moi, je me tiens en quelque sorte à l’écart, et je laisse faire. Une énorme vague de sanglots monte, profonds, venus peut-être de loin (je n’en saurai évidemment rien, et m’abstiendrai évidemment de demander quoi que ce soit). J’accompagne juste de quelques mots. Tout cela dure… je ne sais pas – on a quitté le temps des horloges. Puis les sanglots se calment, s’arrêtent. Comme une respiration entre deux vagues. Et puis une autre vague, puissante. Mais une vague de rires cette fois-ci, de grands rireslibres, vivants. Une de ces belles vagues qui emmènent dans de longs surfs enivrants. Et elle prendra elle aussi tout le temps qu’il lui faut pour déferler.

Quand la vague a passé, je demande simplement à l’esprit inconscient de s’assurer que tout est fait, et de me le signaler en laissant la main retrouver sa position initiale. Les yeux de N. se ferment de nouveau. Et quand la main s’arrête, j’invite l’esprit inconscient à faire rêver à N. un rêve, magnifique, d’intégration de tous les apprentissages et changements de cette expérience, tout en laissant la main de N. redescendre, jusqu’à ce qu’elle se pose sur l’accoudoir.

N. ressort de transe, les yeux joyeux, avec encore des rires.

Elle repart radieuse.

Parfois, c’est si simple – juste une rencontre avec soi-même