Il arrive que des personnes viennent au cabinet en pensant recourir à l’hypnose pour comprendre l’origine, ou la cause, de telle ou telle difficulté dans leur vie. Systématiquement, je leur demande en retour si ce qu’elles veulent, c’est comprendre, ou si c’est plutôt changer.
Notre culture est profondément imprégnée de l’idée que c’est la compréhension de la cause qui permet de transformer, de changer. Il s’agirait donc de prendre conscience, de gagner un point de vue qui permet d’avoir une représentation claire. Cette sorte de détour est assurément parfois utile, mais est-il pour autant vraiment indispensable? Et le piège que comporte cette approche, c’est qu’une fois qu’on pense avoir compris la cause de ce qui nous accable, on a aussi trouvé une bonne raison à cette souffrance. Et donc une bonne raison de ne pas changer – puisqu’il y a une cause valable, dans le passé, qui explique que je suis comme je suis. Ou alors, à peine autrement: vu qu’on ne peut jamais être certain de l’explication qui émerge, on a une autre bonne raison de toujours différer le moment de changer.
L’hypnose propose un chemin plus direct. Une séance au cabinet n’est ainsi pas une expérience de prise de conscience, qui s’extrairait en quelque sorte de la vie, la suspendrait, pour prendre le temps de comprendre, d’analyser. La séance est elle-même une expérience, qui vient s’insérer dans le tissu de toutes les expériences qui constituent une vie – et qui vient le modifier. Elle n’offre pas un point de vue extérieur sur le tissu de la vie. Elle plonge au contraire au cœur même de la vie. En interrompant le désir tendu de comprendre, de contrôler, de piloter la vie, elle est comme un retour à l’expérience vivante du flux de la vie. Un retour à notre capacité animale – c’est-à-dire la capacité que nous avons en tant que nous sommes des êtres vivants – de laisser suffisamment de jeu en nous pour que puisse bouger ce qui a besoin de bouger afin que la vie soit ajustée aux circonstances, à ce qui arrive.
C’est pourquoi il m’arrive de conclure une séance en demandant: «est-ce qu’il s’est passé quelque chose?». La réponse est presque invariablement «oui». Et sans chercher du tout à connaître le «quoi» de ce qui s’est passé (qui ne me concerne pas), j’invite la personne à rester avec «ça», à laisser «ça» «infuser», faire son «travail». Quand, après deux ou trois séances, la personne a appris comment faire de l’auto-hypnose, je l’encourage à pratiquer régulièrement, notamment pour retrouver et rafraîchir cette expérience.
Parce que c’est l’expérience, et pas la représentation ou l’analyse de l’expérience, qui est le moteur du changement.