Après la séance
«Est-ce qu’il y a quelque chose que je dois faire, dans la suite ?», me demande-t-on parfois à la fin de la séance. Comme si l’esprit conscient revendiquait sa part de travail, et de mérite.
Mais il n’y a rien à «faire». Une séance d’hypnose n’est d’ailleurs pas un endroit où on «fait» vraiment quoi que ce soit. C’est plutôt un espace pour ralentir, et même s’arrêter. Et dans cette suspension du temps, se souvenir, «se reconnecter» – revenir à soi. Habituellement, cette expression, «revenir à soi», désigne le fait de retrouver ses esprits, de reprendre conscience. Ici, et pour le coup un peu curieusement, c’est à peu près le contraire : ce retour exige d’abord d’abandonner, la condition pour se retrouver, c’est en quelque sorte de perdre l’esprit.
La question «qu’est-ce que je dois faire ?» est donc l’expression de la conscience qui veut se reprendre, revenir en terrain connu.
Mais qu’il n’y ait rien à faire ne signifie pas que la séance d’hypnose soit une espèce d’opération magique, où le guide détiendrait la baguette qui transforme d’un coup, et définitivement, le crapaud en prince charmant. S’il y a quelque chose comme de la magie, celle-ci tient plutôt de la mise en mouvement de ce qui semblait invinciblement figé, de sorte qu’un changement qui semblait impossible devient maintenant possible.
Dans ce puzzle qu’on appelle «taquin», la condition pour pouvoir bouger les cases, et mettre les chiffres dans le bon ordre, c’est qu’il y ait une case libre. C’est cela que produit la séance d’hypnose : faire sauter la case qui bloque tout, pour pouvoir commencer à bouger. A la différence qu’il s’agit ici, où on travaille sur le plan de l’esprit inconscient, plutôt de se laisser bouger. Rien à faire signifie donc quelque chose comme accompagner le mouvement, ou se laisser faire par le mouvement. C’est-à-dire d’abord observer, en soi et hors de soi, avec attention et curiosité, ce qui n’est plus tout à fait (ou plus du tout) comme avant, dans les réactions qu’on se découvre, ou dans les attitudes des autres (ce n’est pas qu’on a changé les autres – l’hypnose n’a rien à voir avec les poupées vaudou – mais notre propre changement, même s’il reste inconscient, est perçu par les autres, qui du coup, là aussi même inconsciemment, se comportent autrement à notre égard).
« S’éveiller à qui vous êtes vraiment nécessite d’abandonner l’idée de qui vous croyez être. » (Alan Watts)
Un obstacle à cet accompagnement du changement, à simplement aller avec le mouvement de la transformation, est notre attachement à nos représentations de nous-mêmes, auxquelles nous nous identifions. Et au nom desquelles justement le changement est impossible : si je m’accroche, par exemple, à mon identité d’hypocondriaque, je vais trouver qu’il y a quelque chose qui n’est pas normal si mes scénarios catastrophes ne se mettent plus automatiquement en marche au moindre indice qui pourrait être un symptôme. Se défaire de cela paraît d’abord aussi difficile que d’abandonner l’immense bénéfice de ce qui est connu – à savoir, précisément, que c’est connu. Et donc rassurant. Même si, en soi, lâcher cela n’est pas plus difficile que de laisser tomber un crayon tenu entre deux doigts…
Ce qu’il y a à «faire», après la séance, c’est donc simplement accepter le risque de changer.
Parce qu’une séance d’hypnose met en mouvement une transformation dans laquelle, éventuellement, on ne se reconnaîtra plus du tout, c’est-à-dire une transformation dans laquelle on va pouvoir justement se reconnaître enfin complètement…
Après la séance? S’ouvrir à la découverte de soi-même et se laisser surprendre!